mardi 12 juin 2007

Les vieux

Un lundi tout ce qu'il y a de plus beau à l'Île. Le vent est agréable sur la peau, le soleil me dore les bras et le dos, le paysage est splendide. J'attends un groupe de personnes âgées, étudiants, qui vivent dans trois foyers différents.



Je m'occupe de la mise en place, avec un nouveau collègue. Nouveau Collègue est un peu étrange. Absent. Je lui parle, alors qu'il regarde au loin, dans le vide.



- Est-ce que t'as compris ?

- Hein ? De quoi ?

- /*"!)(/*_



Le groupe arrive. Lentement. Faut dire qu'ils débarquent d'un autobus, c'est haut et il n'est pas évident de se déplacer avec des hanches en plastiques et des marchettes. Courage les amis, encore trois marches à monter avant d'arriver au restaurant !



- Wow. La vue est vraiment magnifique !

- Disons que ce n'est pas gênant de travailler ici !

- Nous avons beaucoup de temps devant nous, on pourrait aller s'asseoir dehors avant de manger.

- Bien sûr, allez-y.



Trente-huit personnes s'installent sur la terrasse. Je me dirige vers les tables, dis de gentils "bonjour" en souriant pour ensuite proposer un apéro.



- Bonj...

- J'veux une Molson Ex.

- Désolée, monsieur, j'ai seulement des produits de micro-brasserie.

- J'veux une Molson Ex.

- Je vais vous apporter une Tremblay, ça devrait vous plaire.



Waitress réapparaît avec la bière.



- Ça fait 5$, svp.

- Quoi ! Cinq piasses pour une bière ?

- C'est ça.



Il n'a pas donné de pourboire. Aucune surprise sur mon visage.



- J'ai faim. Quand est-ce qu'on mange ?

- Bien, quand votre groupe ira à l'intérieur s'installer aux tables.

- C'est à quelle heure ?

- Quand vous serez prêts...





Trente minutes plus tard, tout le monde est à table. Je donne un carnet et un stylo à Nouveau Collègue en lui disant qu'il s'occupe des tables cinq, six et sept. C'est parti.



- Vous avez vu le menu sur votre table ?

- Oui.

- Alors, qu'est-ce que vous prendrez, Madame ?

- Je sais pas.

- Euh.

- J'comprends pas le menu.

- ...

- On a deux entrée ? On va manger tout ça ?

- Non, vous avez le choix entre l'entrée d'asperge de l'Île ou le potage. Ensuite, soit la ballottine de poulet, l'aiglefin ou le tournedos de boeuf.

- On mange tout le temps de la soupe.

- Bien prenez les asperges, madame.

- J'veux un steak avec des patates pillées.

- Moi j'ai pas faim, j'veux deux bonnes boules de crème glacée, pas au chocolat, avec des biscuits secs.

- (/)(/*(*_/



Je lève soudain la tête pour voir comment se débrouille Nouveau Collègue. Il prend les commandes de la table trois. MA table trois.

- Scuse. Qu'est-ce que tu fais ?
- Ben, je prend les commandes de la cinq.
- Non. Ça, c'est la trois. Tu vois pas le carton noir sur la table avec le chiffre ?
- Ah.
- Pas grave, je vais prendre la sept à la place.

Tout va de travers avec Nouveau Collègue. Il se trompe dans les numéros de clients, dans les commandes.

- Je sors les dernières assiettes, va falloir faire une tournée d'eau et de pain.
- Je regarde les corbeilles à pain.

Waitress saisie un pichet à eau. Et se butte contre NC qui fait de l'errance avec un autre pichet à eau.

- Euh. Tu devais pas faire le pain ?
- Ok, ok, je vais faire le pain debord, qu'il me dit avec colère.

Pardon ? Je me fiche de ce que tu fabriques, le pain, l'eau, on s'en câlis. L'idée de la communication entre collègues sert justement à ce qu'on ne fasse pas la même tâche et accroître notre efficacité.

Tout est rempli, tout le monde mange. Petite pose. Je prépare les tasses à café. Retour en salle.

- Mademoiselle ?
- Oui ?
- C'est du porc que vous m'avez donné.
- Non, madame, c'est de la volaille.
- C'est du porc.
- J'ai pas de porc dans le restaurant.
- C'est du porc dans mon assiette.
- Est-ce que c'est bon ?
- Oui.
- Parfait, parfait...

- Mademoiselle ?
- Oui ?
- Notre autobus arrive à 13h30, va falloir distribuer les desserts.
- Vous n'aviez pas beaucoup de temps à votre arrivée ?
- ...

Rare sont les clients qui ont atteint la moitié de leurs plats. Il est 13h20. Factures individuelles. Bordel !

- Nouveau ?
- Quoi ?
- Il leur reste dix minutes, va falloir clancher.
- Euh.
- Commence à amener les tasses, je débarrasse tout ce qui est vide, ça va presser les autres.

Les tables sont vides alors qu'il chârit encore des tasses et des soucoupes.

- Va falloir accélérer un peu.
- Ben là !
- Je donne les factures, Patronne va apporter les desserts.


- Mademoiselle ?
- Humm ?
- Ya pas de lait avec le café.
- Nouveau ?
- Hummm ?
- Amène le lait avec le café.
- Oups. J'ai oublié.
- Ça s'en vient, le lait, madame.

Mes charmants étudiants âgés ont quitté le restaurant avec dix minutes de retard. Waitress épuisée, alors que ce n'était qu'un tout petit groupe. Plusieurs d'entre eux m'ont semblé un tantinet sénile. Je me demande ce qu'ils étudient avec ce genre de capacité.

En somme, un gros bravo à celles et ceux qui travaillent continuellement avec eux. Votre patience est incroyable. Je n'ai passé qu'une heure trente avec eux, et je les aurais frappé.

Ah oui. Aujourd'hui, j'ai appris que Nouveau Collègue s'appelle maintenant Ex Collègue. Une bonne nouvelle.

6 commentaires:

Jean-Philippe Murray a dit…

C'est pour ce genre de trucs que j'ai toujours préféré être dans la cuisine... ;)

caroline.g a dit…

Tu vois, quand je te disais que, lorsque ça fait pas l'affaire, ça sort assez raide ? Par ailleurs, je félicite ta grande patience. Comme Amadeo, je préfèrais (à l'époque où j'ai tâté de la restauration) être dans la cuisine. Pas la patience de servir du monde, même poli, alors imagine chiant ! :o)

Waitress a dit…

Ahaha, c'est pas grave, la plupart des clients sont gentils et sympatiques, ça compense disons !

Le Jeannois a dit…

Mais avec le vieillissement de la population, il va y en avoir de plus en plus des ''sénile'' comme tu dis...

Cyndie a dit…

Hahaha bonne nouvelle effectivement, pour le collègue... Bon débarras!

Waitress a dit…

Le vieillissement de la population...... Au secours!!!!!!!!!!!!!!!!!1