vendredi 31 août 2007

Queue de poisson

Mardi, 15h00. La Waitress se réveille. Mal de tête en prime. Merde. J’arrive à la cuisine. Le bordel. De la vaisselle sur le comptoir, dans le lavabo, sur l’ilot. Je prépare la cafetière italienne pour ensuite partir à la recherche de mes cigarettes. Surement au salon. Là-bas aussi, le désordre. De ma tête à toutes surfaces de l’appartement, il s’est étendu. Pendant mon sommeil. Encore mes foutus Gremelins qui s’excitent.

Assise dans mon super fauteuil en velours or, en compagnie de ma tasse à café, d’un verre d’eau et de mes Advils, je tente de rassembler mes idées. Dur début de journée. J’ai invité Joli Minois à souper. Il se pointera vers 18h30. La préparation du repas devra être avancée et l’appartement impec. Choisir un menu. Simple à faire, je n’ai pas la tête aux trucs compliqués. Épicerie. Une bouteille de vin. Et le ménage. M’activer.

À 16h00, je reviens chez moi avec mes courses. Je pars une brassée de lavage, puis la vaisselle. Au bout de quinze minutes, je suis prête à débuter les préparatifs du repas. Écrasé de pois verts au citron. Je blanchie les zestes. Dans une casserole, je lance les petits pois, de la crème, du beurre, de l’ail et la pelure de fruit. Le temps que les pois décongèlent, c’est prêt. Je passe le mélange au robot pour en faire une purée grossière. Food Test. Zut, trop d’ail. J’ajoute le jus d’un pamplemousse pour voir. Le goût est en effet moins prononcé, mais toujours trop présent. On recommence, vite, vite, vite.

Deuxième essai : Parfait. Étape suivante : Ramasser tout ce qui traîne sur les meubles et planchers. Je regarde l’heure. Me reste trente minutes. Douche. Les vêtements mouillés dans la sécheuse. Quinze minutes. J’attaque le saumon.

Je réussis à trouver le papier d’aluminium dans le fin fond d’une armoire. N’a pas servit depuis longtemps. Je tire dessus pour le couper. C’est la fin du rouleau, je n’en ai plus assez. Merde, merde, panique totale, Waitress hurle comme une hystérique, une serviette sur les cheveux, en robe de chambre avec des restants de mascara de la veille étendu sous les yeux. Le téléphone sonne. Non, non, non.

- Oui ?
- Bonjour, c’est Joli Minois !
- Ahhhhhhhhhhhhhh. Ça va ?
- Oui, oui. Je quitte le travail, je vais chercher une bouteille de vin et j’arrive.

Non, non, pas tout de suite !

- Est-ce que tu as besoin de quelques choses ?
- Oui, une baguette de pain.
- Excellent. Je m’en viens.

Je m’habille à toute vitesse. Pas le temps de faire de tourniquet devant le miroir pour vérifier si j’ai l’air grosse, si le noir serait mieux et me changer vingt fois pour revenir à la première tenue. Un leggins noir et une petite robe rouge, c’est parfait.

Je monte chez le voisin d’en haut. C’est le héro du jour, il a du papier d’aluminium à me prêter. Je prends ce qu’il faut, redescends chez moi en courant. Je fabrique deux petites piscines avec le papier d’aluminium, place les filets de saumon. Ajoute du vin blanc, badijonne de pesto aux tomates, lance des amandes tranchées, de l’oignon rouge, des tomates cerises, aneth et estragon. Bon. Ne restera plus qu’à mettre le tout au four. Dans un plat je mets un peu d’huile d’olive, de thym, d’herbes italiennes et d’aneth avant d’ajouter des tranches de courgettes jaunes tout en fouettant de la crème pour le dessert.

Ok. Récapitulons. Je mettrai les courgettes au four pour vingt minutes. Le saumon quinze. Je ferai sauter des haricots verts et du poivron rouge et réchaufferai l’écrasé de pois verts. J’ai réussi. Non. Faux. Waitress pas peignée. Ni maquillée. Vite, vite, vite. Tandis que je termine mes yeux, on cogne à la porte. Merde, merde, merde, j’ai pas passé le balai.

Je fais entrer Joli Minois. Il s’avance vers moi, me serre dans ses bras avant de m’embrasser. Nous prenons un verre de vin sur la galerie avant le repas. Délicieux, en passant.

Arrive le dessert. Morceaux de gâteau blanc spongieux, crème fouettée, framboises et bleuets frais dans des verres à martini. Simple, bon et joli. JM les yeux sur sa coupe. Je ne peux m’en empêcher. Je lui colle une cuillère de crème sur le nez. Il réplique. Les fruits et la crème partout sur les murs, dans les fenêtres. On se paie une Food Fight se qui termine dans la rue, pieds nus sur le béton. Nous nous embrassons, le visage barbouillé. On rit, on se nettoie un peu. Petit digestif.

Et il est parti dormir chez lui...

jeudi 30 août 2007

Les trains qui passent

Lundi, le week-end de Waitress s’amorce. Je me pointe au bar, où Française m’attend, deux gins sur la petite table de la terrasse. Nous sommes au milieu du cinq-à-sept de la restauration. Outre Française, deux autres cuisiniers sont là, de même que le serveur responsable d’un nouveau resto du Carré d’Youville. Un propriétaire de bar boit à la table derrière nous, tout le monde qui jase, tout le monde qui niaise et c’est parti. La danse des verres vides des verres pleins.

M. Magazine arrive, avec quelques amis. Bonjour discret de la tête. Profitant d’un aller-retour à l’intérieur de ma copine, il vient s’assoir à ma table. Il porte un affreux chandail beige-gris. À col roulé. Son sourire et ses yeux pétillants compensent presque son manque de goût.


- Ta patronne t’a dit que j’ai téléphoné ?
- Si.
- Deux fois ?
- Si.
- Pourquoi tu n’as pas rappelé ?


Waitress qui patine. On m’a dit qu’il avait une copine. Ce qui m’a convaincu de ne pas retourner le premier appel. Ensuite, je ne retourne jamais d’appel.


- Pourquoi ?
- Je suis une personne timide.
- As-tu idée du nombre de possibilité que tu as manqué par pudeur ?


Waitress cassée. Je réfléchie aux occasions ratées parce que je n’ai pas osé. Toutes ces fois où une invitation et un numéro m’attendaient sur le répondeur. Ces hommes qui laissent un puis deux messages et qui ne donnent plus de nouvelles. Normal. Mon silence interprété comme un refus. Oui, combien de perches tendues ?


Waitress en pleine angoisse devant M. Magazine. Je tente un subtil changement de sujet, mais j’ai la tête ailleurs. Je pense aux vies possibles que j’ai évitées. À cette boîte sous mon lit, remplie de numéros de téléphone que je n’ai jamais composés. Pourquoi ?


Par peur. Du ridicule, comme du bonheur. Une ligne qui s’étend sur chaque moment de mon quotidien; Waitress et la crainte de la nourriture, Waitress aux instincts réprimés, aux désirs refoulés. Waitress et la peur de vivre.


L’incertitude qui me donne des boutons, les prises de décisions qui m’empêchent de dormir. Cette incapacité à formuler des « Je rêve de », « J’aimerais bien ». Les projets avortés par la simple pensé que c’est impossible, que je ne peux pas me permettre un tel truc.


Il me semble que je n’ai rien fait de l’été. Ni du reste de l’année. Pourquoi ? Combien de vies possibles j’ai regardé passé ?


Faudrait cesser de regarder les trains passer, en choisir un, par raison ou par hasard, mais tenter quelque chose. Oser, choisir d’être moi, une femme qui mord dans la vie, en mode action. En finir avec cette habitude à me laisser flotter au vent, sans m’accrocher à rien jamais. Vivre, tomber, me péter la gueule, mais foutre quelque chose avec la certitude d’exister.


M. Magazine qui parle devant moi. Et la Waitress qui n’écoute plus rien. Qui se dit par contre qu’elle ne prendra pas ce train là. Il s’avère que le garçon pu du bec.

mercredi 29 août 2007

La muraille de Chine

Mercredi, soirée faces laides au restaurant. Les premiers clients se pointent dès l’ouverture, à 17h00. Un couple d’Ontarien d’une cinquantaine d’année. La dame porte d’horribles lunettes qui couvrent le trois quart de son visage. Malheureusement, elles ne sont pas assez énormes pour cacher la verrue qui pointe au coin de sa joue droite. Quant à son mari, je ne peux pas le décrire. Il ne m’a jamais montré son visage, toujours à regarder ailleurs lorsque je lui adresse la parole. Je les conduis vers la table 6.

Trois femmes passent alors la porte. Je vais à leur rencontre, poussant fort sur les sourires et la bonne humeur. Elles m’appellent « Chou », je les déteste aussitôt. Elles s’informent de la terrasse, qui est située derrière le restaurant, face au fleuve.

- Est-ce qu’il y fait chaud ?
- Même température que dans le stationnement, madame.
- On va aller voir.

Je les mène à l’extérieur et les invite à choisir l’endroit qui leur convient. Erreur. Elles hésitent, ne savent pas trop.

- Y a-t-il une section plus chaude sur la terrasse ?
- ????????
- Oui, de quel côté il fait le plus chaud ?
- À droite, il fait 20, à gauche, 22.
- On va aller à gauche, alors.
- ????????

Trois pimbêches. Trois poules qui caquettent sans arrêt. Elles changent deux fois d’emplacement avant d’ouvrir les menus. Pour se rendre compte que nous ne servons pas de cheeseburger. Elles repartent aussitôt.

Arrive notre seule réservation de la soirée, un couple qui fête leur anniversaire de mariage. L’homme porte les mêmes lunettes que l'Ontarienne. Quarante ans, la peau molle et grise, une bouche minuscule et bien rouge. Me fait penser à une dinde. Sa femme est vêtue d’ une longue robe bleue. Les fleurs blanches en imprimé s’agencent parfaitement à ses chaussettes, mises en évidence par ses sandales sport. Grosses lunettes, nez en bec d’aigle, le teint blanc. Me fait penser à un pinçon. Le couple volaille de la soirée.

Les gens se suivent et se ressemblent. À 20h00, la salle à manger est pleine. Que des couples. Et pourtant, aucune ambiance. Je n’entends que la musique et le bruit des ustensiles qui frottent le fond des assiettes. Personne ne parle, personne ne se regarde. La vue est superbe, le coucher de soleil magnifique et les yeux ne voient que la nourriture.

Waitress observe la triste scène, avec une pointe d’incompréhension. Ces gens qui vivent ensemble depuis plusieurs années. Qui passent fêter un anniversaire de rencontre, de mariage. Et ce silence, cette incapacité à se sourire, à se tendre vers l’autre. Comme d’immenses murs entre eux, qu’ils traînent en chaque endroit en se faisant croire que rien n’y paraît. Je n’ai pu m’empêcher de penser que je suis foutrement bien seule.

mercredi 22 août 2007

Soirée morne d'août

Waitress au travail. Ne reste plus que quelques tables à servir et je toucherai mon pourboire, de même que le volant de ma voiture. Soirée plutôt moche. Des clients mornes qui boivent de la bière sans alcool. Des enfants qui hurlent et piochent et renversent tout. Une dame a même réussit à lancer le jaune d'oeuf de ses pâtes carbonara sur ma jupe. MA jupe. Sans s'excuser. Pas ma faute si ton mari me matte. Baise-le plus souvent et il saura se conduire en public.

J'entre dans la cuisine, où Française nettoie sa table chaude.

- Est-ce qu'on sort ce soir ?
- T'as soif ?
- Autant que toi...

Nous convenons de nous rejoindre au bar sur St-Vallier, faire de la terrasse sur des chaises de plastique vert. Nous avons manqué quelques soirées Mottés dans les dernières semaines, nous espérons bien nous reprendre.

De retour à Québec, je dépose Balou à son bar de la Haute-Ville, redescend vers mon quartier crade. Dès que j'entre, le téléphone.

- Tu t'en viens ?
- Ben là, j'arrive chez nous.
- Mets ton linge de pitoune Waitress, pis arrive.
- C'est bon, je pars dans cinq minutes, tu peux me caller un gin.

J'arrive au bar. Française hurle que sa poule de luxe est là. Un chien accroché à la clôture de la terrasse essaie de me manger un mollet au passage. Hummm. Pas grand monde. Tranquille partout dans la ville. Deux autre cuisiniers boivent leur bière d'après-shiff. Comme quoi nous terminons tous aux même heures. C'est le cinq-à-sept de la restauration. Il est près de minuit.

La mornitude me suit encore. Il ne passe rien. Un grand punk finit par me demander d'aller fumer un joint avec lui. Tentation. Waitress a arrêté ça il y a un an, faut poursuivre. Il revient ensuite, en me donnant du vous, tentant de savoir mon nom. On se présente, il enfourche sa bicyclette et part.

Après cinq gins tonic, Française démarre sa moto tandis que je marche vers l'appartement. Avec une envie de frencher, d'avoir des lèvres sur les miennes. Je n'ai rencontré personne sur le chemin du retour.

mardi 21 août 2007

Joli Minois

Ce matin, le téléphone me tire du sommeil. Il est 11h30, je tente d’avoir une voix le moins empâtée possible, question d’orgueil. Ça ne fonctionne pas. Atteinte de la grippe, Waitress parle comme une rockeuse même après huit tasses de café.

Joli Minois : Je te réveille ?
Waitress : Nooooon. Ben, un p’tit peu, mais faut j’me lève.
Joli Minois : Veux-tu qu’on se voit jeudi soir ? Tu pourrais venir chez moi.
Waitress : Faudrait que tu me dises où tu habites, par contre.
Joli Minois : Bien je passerai te prendre après le boulot et j’irai te reconduire vendredi matin.
Waitress : Humm. Ma p’tite sœur monte à Québec vendredi, je verrai d’abord à quelle heure elle arrivera.
Joli Minois : Ahhh oui, c’est vrai.
Waitress : Je te rappelerai. Ce soir ou demain. Ben, on est quel jour ?
Joli minois : Euh. Mardi.
Waitress : Ahh. Juste mardi. Je te redonne des nouvelles alors.

Trois erreurs dans cette conversation. D’abord, jeudi soir, c’est loin pour me demander un rencart. Monsieur n’a pas daigné m’ajouter à ses plans du week-end, et ce matin, de retour au boulot, il s’est soudainement souvenu que j’existe. Je dois déjà l’ajouter à mon planning ? On verra, on verra.

Seconde erreur. Suite à une rupture, Joli Minois est retourné vivre chez sa mère, qui vit dans une sorte d’immense manoir, seule. Il m’y a invité la semaine dernière. Ce à quoi j’ai répondu que ça me rendait mal à l’aise. Mémoire de poisson rouge ?

Mais surtout, SURTOUT : Comment peut-on apprendre à connaître quelqu’un, afin de savoir si une histoire de couple, d’amour de ce que vous voudrez puisse naître, à raison de quelques heures de côtoiement par semaine ? Nos horaires sont incompatibles; il n’y a même pas possibilité de souper ensemble une seule fois dans une semaine ! Nous nous rencontrons le jeudi soir, vers 21h30 et à minuit, il faut qu’il dorme ! Merde, je fais comment pour savoir s’il est gentil, attentionné, s’il peut endurer mon rythme de vie, s’il apprécie mon humour, si j’apprécie le sien, si ça peut être agréable de faire l’épicerie avec lui ? Je le saurai en janvier prochain ? Impossible, d’ici là, c’est une relation d’amitié qui nous unira, rien d’autre. Waitress n’est pas pressée d’être en couple, seulement réaliste. Je me considère aussi comme une femme indépendante. Mais il y a un minimum de temps à investir avec l’autre.

Et M. Magazine qui appelle à mon travail, pour me laisser son numéro de téléphone. En précisant qu’il n’est plus en relation.

dimanche 19 août 2007

Dead Bird

Waitress trouve des oiseaux morts partout sur son chemin. Je parcoure la ville et découvrent des volatiles écrasés sur le béton.

- Copine, pourquoi le bon dieu met ça sur ma route ?
- Je sais pas...
- C'est sans doute un signe...
- Oui. Quand tu te promènes, faut tu lèves plus le menton.


Ahhh les belles leçons de Copine...

Lâcher prise

Waitress et l’errance. Une soif sans limite dans le gosier. Dès que j’ouvre les yeux, hésitation. Lait ou Amarula pour accompagner le café ? J’ai de la visite et je profite de leur tournette à la salle de bain pour remplir mon verre à nouveau. Au bar, j’enfile les gins version haute vitesse. On ne me fait plus payer au fur et à mesure, et j’apprends ensuite qu’en deux heures, j’en ai mis onze dans mon corps. Pourtant, je marche droit, pas saoule, ni désagréable.

Les jours de congés, le temps passe avec les divers cocktails. Un bar perpétuel chez moi. Au frigo, bière, vin blanc, gin, vodka, Amarula. Jus d’orange, de canneberge et tonic water se tiennent à côté. Dans l’armoire au-dessus du poêle, vin rouge, triple sec et abricot brandy. Le congélateur n’en finit plus de me fabriquer des glaçons.

Pourtant, aucune tristesse chez Waitress. Juste une soif. Je ris sans masque, j’ai du plaisir à côtoyer amis et collègues de travail. J’aime mon boulot. Mon appartement. Mes activités. Et cette envie d’alcool incessante.

En même temps, cette haine du corps. Il prend trop d’espace, il recouvre trop le cœur. Je mange parce qu’il le faut bien. Culpabilité chaque fois. Je monte sur la balance. Horreur. Je deviens obsédée par la nourriture. La raison qui trouve le tout si stupide, qui sait que je suis à la limite de la minceur et de la maigreur. Les yeux qui voient de grosses fesses, de grosses cuisses dans le miroir. Qui n’existent pas. Une division en mon être. Le rationnel contre l’anxiété. Et la Waitress qui se sent stupide, stupide, STUPIDE !

Comme une gamine. Qui réclame un peu d’attention, qui a besoin d’une paire de bras chauds et d’un murmure à l’oreille. « Tout ira bien, t’inquiètes ». Pour que cesse le tourment. Faire confiance. Lâcher prise.

samedi 18 août 2007

Derrière le corps

Jeudi, 21h30. Joli Minois se pointe chez la Waitress après sa journée au boulot. J’ouvre la porte, il se tient devant moi, grand sourire, pantalons propres, chemise blanche aux pointes fripées, bières en main.

Je l’invite à entrer, il monte les deux marches qui mènent au salon. Ses mains saisissent mes hanches, m’attirent contre son corps. Doux baisers, tout tangue autour de moi. Son odeur, sa chaleur m’enveloppent. Je ne bougerais plus de là.

Dans la cuisine, on s’installe avec un verre pour discuter. On se colle, on rit, tout est apaisant. Il me raconte sa journée, je fais pareil.

- Pour la première fois depuis le mois de mars, je suis en congé dimanche matin…

JM m’a invitée à me joindre à lui et des amis dans un chalet. J’avais décliné l’offre pour cause de travail. Mon horaire a changé, je suis heureuse de pouvoir me joindre à eux.

- Ah. Les plans ont changé, on se fait une soirée de gars finalement. Les filles nous rejoignent dimanche midi. Tu travailles pas le soir ?
- J’commence à 15h00, ce sera pour une autre fois.

Déception sur son visage. Du moins, je crois. Waitress s’est habituée depuis longtemps d’être en solitaire en raison de son emploi du temps qui coïncide plutôt mal avec le commun des mortels.

La discussion se poursuit tandis que je le vois s’accoter contre le mur. Il semble fatigué. Je propose d’aller au lit. Il me suit.

Des caresses à n’en plus finir, ses lèvres qui vont de ma bouche à mon cou, à mes seins, ses mains qui occupent le restent de mon corps. Désir, désir. À le tendre sans fin, il devient agressif ce désir, devient animal, vorace, rouge-noir. Nous épuisons nos corps ensemble, les vidant de toute faim, de toute soif.


*


Au matin, je partage le café avec lui. Dans le calme du soleil pâlot, des chairs repues. Aurevoirs, derniers baisés.

La porte se referme, Waitress au sourire triste. Il la trouve belle, elle le sait. Elle se demande par contre s’il a remarqué qu’elle est aussi autre chose.

mercredi 15 août 2007

Le froid

Depuis quelques jours, le froid. Tandis que je travaille sur ma terrasse, je frissonne dès que le soleil descend derrière les montagnes. Les fleurs sur ma galerie commencent à faner. Dans ma voiture, je baisse les fenêtres pour fumer une cigarette. Et je referme tout ensuite. J’ai ajouté une couverture dans mon lit. Comme une constante envie de petite laine.

Waitress sent l’automne qui débute avec un pincement au cœur. Je veux encore de ces nuits suffocantes où tout Québec respire la moiteur, la langueur, le sexe. Des après-midis crème-glacée, sangria. Le temps des petits souliers, des jupes, de la peau étalée aux yeux de tous.

Ça parle d’école dans les rues, sur les blogs, partout. Du retour au travail, des projets pour l’été prochain. Mi-août. Les deux tiers de ma saison à l’île sont derrière moi. Qu’est-ce qui m’attend pour septembre ? Aucune idée. Et pour la suite ? Que des carrés noirs.

Le restaurant restera ouvert pour la première fois. Personne ne sait si les clients viendront nous voir. Ni quels serveurs les espéreront. Waitress le soir dans la berçante qui jongle avec l’avenir. Insouciance ou action ? Chercher un nouvel emploi ou rêver de temps partiel, de chômage ou de voyage ? Temps de repos ? Nouvelle direction ? À voir.

Waitress frissonne.


mardi 14 août 2007

Immaculée conception

Habituée de vivre seule dans de grands appartements, la Waitress a développé un amour et une dépendance pour les petites bêtes poilues en perpétuelle recherche d’affection. Depuis un peu plus d’un an, je cohabite donc avec Afi, une belle chatte au pelage imitation de vache.

2h00 du matin, j’arrive du boulot. Ma coloc vient toujours m’accueillir de ses miaulements et ronrons. Ce soir, rien. Je l’appelle, elle ne se pointe pas. Tant pis, elle se passera de mes caresses. Je mange un bout de fromage, une pêche et boit un verre d’eau. P’tit lunch de fin de soirée.

J’entre dans ma chambre pour me mettre au lit, et je la vois, au fond du garde-robe. Elle devient toute excitée à ma vue, elle miaule, elle s’agite. Depuis deux semaines, son comportement est étrange, ça m’inquiète tout de suite. Je me penche, la prend dans mes bras. Un bout de fil vient avec elle. À l’extrémité, une boule toute humide.


- Quoi ça !

Je dépose ma chatte dans le garde-robe. Du sang partout sur mes souliers, mes sacs à main. Et deux chatons qui crient, oreilles et yeux fermés. Je courre chercher une grande serviette de bain que j’installe à côté du placard. Y dépose tous les chats. Afi me regarde, ronronne, fait la fière. Ma main glisse sur son ventre. Oh. Je sens une masse sous mes doigts, un autre chat. Courage, la belle.

Elle cesse de ronronner et deux spasmes plus tard, trois chatons sur le plancher. De ses dents, elle coupe le cordon ombilical et nettoie le p’tit nouveau. Je suis estomaquée.


Pas que je n’ai jamais vu un animal mettre bas, non. Mais la situation a quelque chose d’étrange. Je n’envoie pas Afi à l’extérieur. Comme je n’invite pas les chats errants du quartier à entrer. Toutes les fenêtres de l’appartement sont garnies de moustiquaires. Waitress en totale incompréhension.

Ma conclusion ? C’est l’œuvre de Dieu. Une colombe est passée et j’ai trois immaculées conceptions chez moi. Ils nous sauveront. Tous.

lundi 13 août 2007

La noce

Mes yeux s’ouvrent sur un matin ensoleillé. Mon bras s’étire vers la droite et rencontre le vide plutôt que la chaleur de sa peau. Il est parti. Pas de déception dans le constat. Un petit sourire sur mes lèvres. Waitress au bout d’une nuit de caresses, d’heures tactiles remplies de rires et de gémissements, le corps crispé, le corps tendu par le désir qu’on choisit de ne pas assouvir. Plus tard. Rien ne presse.

Je tente de replonger dans le sommeil. Mes yeux s’ouvrent à nouveau, vers la porte. Il est là. Joli Minois qui s’approche, qui m’entoure de ses bras. J’offre un café qu’il refuse; il est déjà en retard. Il doit préparer des trucs pour le mariage de sa sœur qui a lieu en fin d’après-midi. À mon restaurant. On se revoit tantôt.


*


Je quitte l’appartement pour me rendre au travail presqu’en retard. J’ai voulu m’arranger pour être jolie, m’apporter des vêtements chics mais sexy pour l’après-shiff. Résultat ? J’ai l’air de la même chose qu’à l’ordinaire. Je me maquille de façon identique depuis la dernière année et ma technique de coiffage consiste toujours à avoir une tête le plus ébouriffée possible. La chevelure par en bas, j’envoie un peu de spray net , et voilà je suis prête à sortir.

J’embarque un collègue de travail qui m’attend à la quincaillerie sur St-Valier. Il dépose deux dollars dans le pot à covoiturage et baisse le volume de la radio. Il n’apprécie pas particulièrement le dernier album des Yeah Yeah Yeahs.

- Pas trop nerveuse ?
- Moi ? Non.
- T’es consciente que tu vas rencontrer toute sa famille aujourd’hui…
- …
- Ce sera pas le temps de faire de gaucherie, Waitress…
- Ta boîte, Balou, ta boîte…

Arrivés au restaurant, on se fait couler deux allongés que nous accompagnons d’une cigarette. Dix minutes avant de puncher. Je fais le lézard sur la terrasse, profitant du soleil et du vent. Et je l’aperçois au loin. Joli Minois installe le système de son pour la cérémonie, qui a lieu un peu plus loin sur le terrain, en dessous d’un saule. P’tit cœur s’accélère, mains moites.

Je commence à astiquer les coupes à champagne. Deux mariages ont lieu chez nous, ce qui représente 130 verres à frotter. J’en ai donc pour un certain temps à rester coincée derrière le bar. Mes collègues profitent de mon emprisonnement temporaire pour venir m’agacer au sujet de Joli Minois.

Patronne : J’ose pas te mettre tout le long du côté de JM, j’ai peur que tu casses trop de vaisselle.
Patron : Ça doit faire drôle de travailler au mariage de sa future belle sœur, hein ?
Pâtissière : J’trouve que tu souries trop aujourd’hui, Waitress, arrêtes ça.
Balou : Tu te rends compte que si tu l’aurais rencontré plus tôt, tu serais en belle robe avec lui au lieu d’être avec nous ?

Bref, tout le monde passe un petit commentaire. Je deviens de plus en plus nerveuse, je ris tout le temps comme une poule pas de tête, je tourne en rond, mains moites, p’tit cœur qui bat vite, vite, un rouge permanent sur les joues.

JM se pointe au bar, très élégant dans son complet cravate. Grand sourire, yeux doux, il s’installe devant moi pour me parler. Pleins d’oreilles indiscrètes tournent autour de nous, je reçois parfois des coups de coudes, timidité, timidité.

Les voitures commencent à arriver, c’est l’heure d’aller enfiler mon merveilleux costume de mariage. Un chemisier blanc, un corset bleu qui m’empêche de respirer et d’avoir faim et une longue jupe bleue. L’effet est assez spectaculaire; le chemisier étant trop grand et le corset très serré, mes hanches deviennent le point central de mon corps. Je ressemble à une femme prête à fonder une famille de quinze enfants. La honte.

La cérémonie du mariage de Collègue terminée, je sors à l’extérieur pour distribuer les flûtes à champagne. J’entends des « C’est elle, c’est elle » un peu partout sur mon passage. Tout le monde est au courant. Collègue, toute belle dans sa robe blanche, me prend à part pour me dire à quel point elle est heureuse de la situation. Elle me présente alors à sa mère.

- C’est donc chez toi que JM a passé la nuit ?
- Euh…
- Waitress, voici le père de mon chum.
- Ah, JM et toi, vous allez faire des beaux enfants, ça c’est sûr.
- ...
- Tu viens avec nous pour fêter ce soir ? On a loué des chambres, tu dormiras avec JM on t’a gardé une place.
- …

Et ainsi toute la soirée. Waitress bien embarrassée. Waitress bien nerveuse. Mais je trouve le tout plutôt cocasse.


*

Le ménage terminé, tous les serveurs punchent out. Nous enlevons nos costumes, on mange une assiette et nous allons rejoindre Collègue qui nous offre un verre. On jase avec ses amis, on dit des niaiseries, finalement on se prend un deuxième verre. JM reste loin de moi, ne me regarde pas trop, je me demande si je n’ai pas fait une niaiserie. Collègue vient s’assoir sur moi, me fait une grosse colle. Elle me demande si je reste avec eux pour continuer la fête une fois qu’ils auront quitté le restaurant.

- Non, je travaille à 9h00 demain.
- Dommage.
- Oui, je sais…

JM se pointe enfin. Il s’assoit à ma gauche. Me dit que son accompagnatrice vient de partir. Sa main glisse dans mon cou. Me raconte qu'Accompagnatrice entretenait certains espoirs sur cette soirée.

- Je lui ai dit : « Tu vois la fille là-bas ?» bien, je l’ai rencontré dernièrement et elle m’intéresse.
- T’as dit ça ?
- Oui.

Autour de nous, sur la galerie, plus personne. Il s’approche. Me demande s’il peut m’embrasser. Nos lèvres se joignent, on s’enlace. Du bruit derrière nous. C’est la mariée qui me lance une fleur avant de refermer la fenêtre.

vendredi 10 août 2007

Waitress la bourique

Al Bee au téléphone qui s’informe de mon rendez-vous matinal de lundi avec Joli Minois. Je lui raconte avec une tonne de détails, les croissants, son sourire, sa voix, la belle pluie qui tombait ce jour-là.


- Une belle pluie ?
- Oui, ça tombait à grosses gouttes, il a fait noir toute la journée, bien jolie pluie.
- Waitress, grosse dinde.
- Pas tant de compliments, tu vas me gêner…


La conversation se poursuit sur un délire, comme à l'ordinaire. De notre future compagnie de poules pour aveugles, nous arrivons à la conclusion que les Albertains ne mangent pas. Délire.

- Al Bee...
- Vouis ?
- J'ai rencontré un gars l'autre jour au bar...
- Un autre ?
- Hummm. J'crois que tu le connais...
- Qui ?
- M. Magazine.
- Ah. Oui, je le connais bien. Quoi ?

Résumé de la soirée de dimanche.


- T’as-tu faites de quoi avec ?
- Ben, non là.
- Heil, si oui, faut tu sois franche, sa blonde m’intéresse, je me gênerai plus pour la courtiser.
- Sa blonde ?
- T’as ben l’air surprise ?
- Non, non.
- Waitress…
- C’est juste que ça fit pas avec ce qu’il m’a dit…

jeudi 9 août 2007

Des garçons

Lundi, 2h47 du matin. Sur la terrasse du bar, en compagnie de ma copine et collègue de travail Française. Chaque dimanche, après la soirée au resto, nous nous retrouvons là, sur une chaise de plastique de la Basse-Ville. C’est la soirée morons. Comme si tout les mottés solitaires de la ville s’y donnent aussi rendez-vous. On se bidonne ensemble, devant ces hommes trop gelés trop saouls qui défilent devant nous, gin tonic en main.

Cette semaine par contre, peu de mottés sur la terrasse. Comme s’ils se reposaient en vu du spectacle de Slayer. À notre table, M. Magazine. Aussi d’origine française, c’est un garçon bien gentil, bien charmant, bien cultivé qui aime les restaurants. Nous lui parlons du nôtre, sur l’Île, avec l’idée de le convaincre de passer nous voir. Ni une ni l’autre ne voulons toucher du chômage cet hiver. Il faut qu’il écrive un article sur notre établissement.

La conversation est agréable, elle passe des restaurants aux voyages, à notre célibat. Musique. Les gins se succèdent à une vitesse folle.

- J’en bois un dernier, ensuite je file. J’ai une date demain matin.

Apparaît alors un autre gin devant moi, avec une vodka canneberge. Encore et encore et encore. 2h47. Last call. Waitress complètement bourrée. Française aussi.

Nous quittons le bar, chacun dans notre direction. M. Magazine prend le même chemin que moi. Il profite de la marche pour poser des questions plus approfondies sur mon célibat.

- Bien ça fait un peu plus d’un an que je suis seule.
- Comment ça ?
- J’ai fait très peu de rencontre intéressante au cours de la dernière année. Une seule en fait. Je ne cherche pas à être en couple, je n’ai besoin de personne pour être heureuse. Ça arrivera quand ça arrivera, c’est tout.
- Tu viens faire un tour chez moi ?
- Pas longtemps.

Dans une rue inconnue, je monte des marches qui mènent je ne sais où. À l’intérieur, c’est immense. M. Magazine habite un loft du centre-ville. Plafonds hauts, mur du salon entièrement fenêtré, îlot de cuisine. La conversation se poursuit, sur tout et rien.

- Tu m’excuseras, j’suis saoule.
- T’inquiètes, moi aussi.

Assise sur un tabouret de cuisine, j’avale un verre d’eau à grandes gorgées. Une lampe est allumée, déposée sur le plancher. Elle crée de superbes jeux d’ombres sur les murs. Le reste de l’éclairage provient des lumières de la ville. Ambiance feutrée. M. Magazine se trouve agenouillé à mes côtés, un bras accroché à mes jambes. Il se lève d’un coup, prend mon visage entre ses mains, m’embrasse.

Ses lèvres chaudes sur les miennes. Du confort bien apaisant, de l’affection rose bonbon. Sa langue qui frôle la mienne, ses doigts dans mon cou.

- Il faut que je parte.
- T’as qu’à la canceller, ta date.
- Non. Je m’en vais.

Dehors, le ciel pâlit à l’est. Merde. Je suis complètement bourrée. Je marche un instant avant de constater que j’ignore où je me trouve. Mes pieds avancent au hasard, jusqu’à ce que je me repère grâce à l’épicerie Rochon.

J’entre dans mon appartement à 5h00 du matin. Il faut que je mange. Je me concocte un sandwich, question de ralentir la digestion de l’alcool et me sentir mieux au levé. Je finis par tombée endormie sur le sofa.


*


J’ouvre les yeux trente minutes avant mon rendez-vous avec Joli Minois. En panique, puisque mon appartement ressemble au Cambodge. Avec l’impression d’être toujours en ivresse. Je courre partout, lave la vaisselle qui n’est constitué que de tasses à café, de verres et de quelques ustensiles. Passe un balai rapide, lance du linge dans ma chambre, dont je prends soin de fermer la porte. Je prépare ma cafetière, mets le rond du poêle en marche. J’enfile un capri noir, une camisole noire et blanche à pois et à motifs étranges. Elle donne l’impression que j’ai un peu de seins. Alors que j’allais entreprendre mon maquillage, on cogne à la porte. Merde, merde, j’ai l’air de rien encore.

Je fais entrer Joli Minois. Dehors, il pleut à grosses gouttes. Il fait sombre partout. Un album de Feist joue en arrière plan. Dans ses mains, un grand sac en papier remplit de croissants et de muffins frais. Il me sourie, je lui sourie. Qu’est-ce qu’il est beau. Il porte une chemise noire avec un pantalon pâle, presque blanc.

Le café est prêt, je lui en offre un. Il s’assoit sur les marches de la cuisine. Waitress à sa droite. On s’allume une clope, moment calme. On rit, on parle, on s’empiffre de croissants. J’aime le regarder raconter des histoires. Son visage et ses mains sont expressifs, c’est une chose que j’adore chez les gens. Les heures passent à une vitesse folle, à un moment mon lecteur CD s’est arrêté, au bout de toute la musique qu’il y avait dedans, mais je ne m’en suis pas aperçue. J’ai vu l’heure sur la cuisinière.

- Je vais devoir commencer à me préparer pour le travail.
- Déjà ! Je vais y aller.

Il remet ses souliers. Sur le bord de la porte, je ne sais que faire. J’ai envie de l’embrasser. Je dépose deux baisers sur ses joues, ses bras se serrent sur mon corps. Je reste là un instant, les yeux fermés, le nez collé sur ses vêtements à respirer son odeur.
*


C’est la tête dans le cul que je me suis pointée au travail. Mais avec un grand sourire sur les lèvres qui ne m’a pas quitté depuis.

mardi 7 août 2007

Des beaux imprévus de la vie...

Samedi soir au restaurant. Nous sommes en plein Feux Loto-Québec, les couleurs et les explosions illuminent le ciel au-dessus de la chute Montmorency. Situé juste en face du spectacle, le resto affiche complet deux soirs semaine pendant cet événement.



Lorsque les feux débutent, nous arrêtons le service pour trente minutes, question d'avancer le ménage, de boire une bière et de profiter de notre unique break pour griller une cigarette. Au bar, j'aperçois un joli garçon. Grand, mince, mâchoire carrée, pommettes hautes et bien habillé. Chic et décontracté. Mais c'est surtout son immense sourire que je remarque. Quelque chose de doux émane de lui.



Ma collègue de travaille, qui fait la barmaid pour la soirée, discute avec lui. Ils se sourient, échangent des regards intenses. Elle se mariera d'ici trois semaines, je me dis qu'elle fait bien de profiter de ses charmes avant la noce.



Je me retrouve derrière le bar à ranger des verres. Mes yeux rencontrent ceux du garçon. Sourires.



- Waitress, je te présente Joli Minois, mon frère.



Ahhhhhhh...



Une main bien enchantée se tend vers lui. Il la serre, une seconde trop longtemps. P'tit coeur bat vite, vite. J'échange quelques paroles avec lui, je retourne à mon ménage, il quitte le restaurant.



Après la fermeture, tout le monde se retrouve sur la terrasse, à souper, boire un verre, fumer une cigarette. L'air est bon, la température à descendu de plusieurs degrés, le dernier album de Daniel Bélanger joue dans les hauts-parleurs.



- Mon frère t'as trouvée très jolie, Waitress.

- Faut dire qu'il est pas mal lui aussi...

- Il m'a demandé si tu es célibataire.

- Ah oui ?

- J'ai aussi dit que tu es fuckée dans tête.

- Quoi ! Pourquoi t'as dit ça, franchement ! Tout le monde a le temps de le remarquer tout seul !

- Oui, mais t'en fais pas, il m'a répondu que lui aussi il est fucké !

- Si tu fais toujours ça, j'comprends pourquoi je ramasse pas beaucoup de numéro de téléphone pendant que je travaille...



*


Mercredi soir. Les feux devraient débuter dans un instant. Je sens un regard dans mon dos. Il est là, une bière en main au comptoir du bar. Je le salue, parle un peu avec lui avant d'aller aviser les clients que le service s'arrête pour la prochaine demie-heure, question de leur suggérer d'avoir quelque chose à boire le temps du spectacle.


Partout, je sens son regard sur moi, je me retourne parfois vers lui, il me sourie. Waitress renvoie la balle. Je deviens nerveuse, gênée, aussi fébrile qu'une fillette en attente du Père Noël. Attention, danger.


Je m'enfarge dans une ganse de sacoche, échappe un verre vide par terre, en rattrape un au vol. Câlis. Au loin, mon patron m'observe, les épaules qui sautent. Il a deviné mon malaise, trouve le tout bien cocasse, alors que j'ai surtout envie de me taper la tête dans un mur.


*


Quelques jours plus tard, je fais un shiff avec Collègue. Elle me parle de son frère, je lui pose quelques questions à son sujet. Me demande si je veux son numéro de téléphone.


- J'suis pas membre du club des appleuses, je vais te laisser le mien plutôt, si jamais il le voudrait.

- Il va te donner des nouvelles, j'en suis certaine.

- On verra bien.


21h30. Le téléphone sonne. Il s'en vient.


Dès qu'il met les pieds dans le restaurant, je recommence à échapper des ustensiles partout. Merde, merde, merde.


Il reste prendre un verre avec nous à la fermeture. Nos regards se croisent souvent. En me donnant deux baisers sur les joues, ses lèvres approchent mon oreille.


- Est-ce que je peux t'appeler ?


Je hoche simplement de la tête en souriant.


*


Il m'a laissée un message sur le répondeur. Une invitation à prendre un verre, pendant le week-
end. Avec le numéro de son cellulaire. Le quotidien de Waitress n'est jamais simple. C'est pourquoi j'ai sans doute eu une irrépressible envie d'aller jouer dans les fils près du répondeur. De le débrancher par erreur. Et, par le fait même, de perdre tous les messages enregistrés.


J'ai dû attendre de travailler à nouveau avec Collègue pour demander le numéro et de fournir
une petite explication subtile disant que mon silence de signifie pas un manque d'intérêt...


*


Dimanche dernier. J'ai terminé la soirée très tôt, pas assez de clients, ma patronne me coupe. De retour à 20h00 chez moi, je me dis que c'est le temps. Je saisie le téléphone, p'tit coeur qui bat fort, mains moites.


Aussitôt que la conversation est entamé, la nervosité disparaît. Sa voix apaisante me calme. Il finit par s'informer de mes congés de la semaine, moi des siens. Horaires incompatibles. Zut.


- On sera condamné à se voir le matin, qu'il me dit.

- Ben, oui, t'auras qu'à te pointer chez moi avec des croissants, je m'occuperai du café.

- Demain, ça te va ?

- (!!!) Oui, à quelle heure ?

- 11h00 ?

- Parfait, je t'attends !


samedi 4 août 2007

Isle-aux-Coudres, part II



Waitress marche dans la nuit chaude. L'odeur du fleuve à marée basse, le silence noir des endroits paisibles dans les oreilles.


J'arrive devant la porte blanche d'une maison marine, juchée sur une colline. Mll Y m'ouvre. Smouck smouck, becs sur les joues, comment ça va, ça fait une éternité. Elle me présente à sa collègue de travail, une jolie blonde en robe blanche. Les propriétaires de l'auberge m'accueillent chaleureusement chez eux, je me sens à l'aise à travers eux. La femme est assise, avec sa bedaine de femme enceinte, l'air radieux, comme en paix. Elle parle et ses mains se retrouvent souvent à flatter son ventre.


La vue est magnifique. Devant, l'eau, la côte des Éboulements. On discute, on rit en buvant du vin.


Puis vient la fin de la soirée. J'entre au Crapet-Soleil, bagages en main. Je monte déposer le tout à la chambre 11. Ce n'est pas la plus coquette, mais j'ai accès à un balcon, en plus d'avoir ma salle de bain de privé. Retour à la cuisine du staff. Murs colorés, toiles et photos partout. Planchers de bois, éclairages tamisés. Ça sent bon comme chez soi. Mll Y me montre sa chambre, m'offre une bière que je bois avec elle sur la terrasse en fumant une clop. Je me sens bien.



*


Je me réveille. Sors fumer une cigarette en pyjama avant de me doucher. L'air chaud, la petite brise. Un beau matin. En bas, Mll Y ouvre le bar et la terrasse, du café frais m'attend. Nous discutons, assises dehors. Le soleil sur ma peau, je fais le lézard.


Se pointe Gino, un habitué. On prend un verre ensemble en jasant, nous décidons de faire une tournette sur l'île. Bouteille de rosé en main, nous embarquons dans ma voiture que je fais avancé tout doucement. Il m'indique les endroits de l'île où profiter du paysage. Nous nous arrêtons parfois, question de boire une coupe de vin devant une vue époustouflante. La promenade se termine au Mouillage. Costume de bain sous ma robe, je décide d'aller me baigner dans le fleuve. L'eau froide sur mon corps, la force du courant, un goût salé sur les lèvres. Beau moment.


Je vais souper avec Mll Y qui termine sa journée de travail. On ramasse une bouteille de vin, une autre d'Amarula puis une pizza aux fruits de mer dans un casse-croûte. Le soleil descend derrière les montagnes et j'ai un pincement au coeur. Demain, le retour à la ville. Travail, stress et grands bruits. Chaleur suffocante accentuée par le béton. Je veux rester là, ne plus quitter ce petit paradis.


Nous regardons les dernières couleurs du jour en silence. Je réfléchie. J'aimerais passer l'été dans un endroit comme ici. Avoir une petite maison un peu croche et coquette où me prélasser. Avec le vent du fleuve dans mes cheveux. Pouvoir posséder chaque instant de mes journées. Vivre tranquillement, dehors, l'espace de quelques semaines. Plutôt que de travailler comme une folle pendant la belle saison et me tourner les pousses à l'hiver.


Je suis revenue à Québec fatiguée. Fatiguée de mon bol d'air, des heures à jouer dehors. Fatiguée le coeur léger.

vendredi 3 août 2007

Isle-aux-Coudres, part I

Lundi, au début de l'après-midi. Waitress termine son café, sur la galerie. La température monte d'heure en heure, bientôt la ville sera suffocante. Je décide de partir pour l'Isle-aux-Coudres, même si personne ne peut m'accompagner pour mon week-end. Tannée d'attendre après les autres, de faire la froussarde parce que quelqu'un n'est pas là pour me prendre la main et me dire que tout va bien aller.


Toutes fenêtres ouvertes, ma voiture avale la route qui mène aux montagnes, avec un viel album de Jean Leloup comme trame sonore. Le soleil sur le paysage, sur ma peau, le soleil plein le coeur, Waitress avance avec un sourire content.


J'arrive au traversier en fin de journée. La file est longue, il faut trois bateaux avant que je puisse embarquer, mais je m'en fiche. Je suis arrivée, Mll Y et le Crapet-Soleil sont là, au milieu du fleuve, prêts à m'accueillir.


Je stationne Ginette en face de l'auberge. La porte est barrée. Souper staff oblige, personne n'est là. Je laisse une note sur la porte; "Waitress sur l'île, partie souper, à tantôt".


Je prends la route qui longe l'eau, attendant qu'un endroit me tente. Je choisie d'arrêter à Mer Veille, un restaurant situé dans une vieille maison qui donne sur la pointe de l'île, côté ouest. Je m'installe seule à une table au bord d'une fenêtre. Hésitations. Autour, des couples, des familles. Je me sens stupide de n'avoir aucune compagnie, mais ça passe rapidement. Les couples se regardent , sans parler, sans sourire. Leur solitude m'apparaît encore plus apparente que la mienne. Plus loin, un père de famille me fait des clins d'oeil au lieu de profiter de la présence de ses enfants. Vieux con.


Au retour à l'auberge, une nouvelle note sur la porte. Une invitation à me joindre au souper staff. Mon congé commence à ce moment, tandis que le soleil se cache derrière les montagnes de Charlevoix...

jeudi 2 août 2007

Waitress de retour !

Le 5 juillet dernier, après avoir publié mon dernier texte, un malheur est arrivé. J'ai saoulé mon ordinateur au vin blanc. Je m'attendais à voir une explosion, des flammes, quelque chose après que le liquide alcoolisé se soit répandu. Non. Il a juste éteint. Et n'a plus jamais voulu fonctionner depuis.

Je devais aller magasiner un nouvel ordi avec Jeune Homme, mais l'incompatibilité de nos horaires m'est apparut évidente il y a de cela quelques jours. Je suis donc partie seule, à la conquête de la technologie. Me voilà de retour parmi vous.

Au cours des dernières semaines, j'ai occupé mon temps loin de l'écran. J'ai eu une vie, puisque je n'ai plus qu'un emploi. Je suis reposée, en pleine possession de mes moyens.

Parmi les nombreuses aventures qui me sont arrivées, plusieurs seront à raconter. Voici un résumé :

- J'ai coupé mes cheveux (à la garçonne, et selon le Maiken, c'est joli !)
- J'ai dormi avec une lesbienne à deux reprises
- J'ai fait ma tournette à l'Îsle-aux-Coudres
- J'ai rencontré un p'tit gars qui devrait me téléphoner aujourd'hui...
- J'ai fait copuler des escargots dans ma main droite
- J'ai fait la découverte de la charmante municipalité de Neufchâtel en compagnie de Maiken
- J'ai dormi (une activité des plus palpitantes !)
- J'ai frenché
- J'ai aussi tenté d'apprivoiser une sauterelle naissante, mais trop indiscipliné, je l'ai relâché dans la nature
- Vu quelques groupes en spectacle
- Oublié le Charmant Garçon (bien mieux à faire !!!!)
- Fait de la photo


Bref, moi qui craignais l'apparence d'une solitude angoissante, je me suis retrouvée constamment entourée d'amis, de connaissances, de plaisir, d'alcool, de soleil, de petits bonheurs simples.

Et c'est le début...