mardi 26 juin 2007

De la vie de Waitress

Par un sale soir de novembre, un homme s'assoit au bar, à la gauche de Waitress. Il enfile quelques bières avec elle, en menant la conversation.

Waitress à une autre époque. Celle des cheveux longs, pantalons carottés. Du coeur fragile, de l'imagination débordante.

Elle sent un malaise au contact de l'homme. Ça provient de ses yeux. Un regard froid, pesant, calculateur. Une lueur de démence, comme on en voit parfois en attendant l'autobus. La petite voix qui hurle de partir. Sentiment d'urgence.

Waitress est restée là. Un soir. Deux semaines. Quelques mois. Une année.

Jeune et naïve, elle ne voit rien. De la violence du garçon, du mépris qu'il porte pour elle. Elle le laisse s'installer chez elle. Elle le laisse dicter sa vie.

Ça commence avec une interdiction de fumer à l'intérieur. Puis de boire sa sorte de bière préférée. Puis de fréquenter certaines personnes. Et le bar.

Un après-midi, elle décide quand même d'aller prendre une Boréale Rousse au bar. En cachette, avant de se rendre à l'université. Elle croise ses amis, boit avec eux. Passe un bon moment. Ils s'inquiètent pour elle.

Tout va bien, tout va bien. Je déménage, je retourne à Thetford le mois prochain. Il vient avec moi.

Elle oublie d'aller à l'école. Trop de plaisir. Trop saoule pour y aller aussi. À 22h00, elle ouvre la porte de l'appartement. Y trouve un garçon en colère parce qu'elle marche croche.

- T'es qu'une ostie de conne.
- Arrête de dire ça...
- J'sais pas pourquoi je reste avec toi.
- ...

Sur la joue gauche du revers de la main. Waitress par terre. Lui qui hurle à côté d'elle. Elle pleure. Elle a peur. Elle se lève, encore sur la joue gauche. Lui dit de dormir sur le sofa et elle va se coucher.

Le lendemain, il s'excuse. Il pleure aussi. La jeune femme au grand coeur mou décide de pardonner. Erreur.

À force de l'entendre vomir son mépris sur elle, elle se dit qu'elle est chanceuse. Elle si conne, si folle, si salope, malgré tout, il est là. Et il l'aime. Personne d'autre n'en ferait autant.

Ils se retrouvent dans leur nouvel appartement. Les querelles s'intensifient. Garçon Dérangé assassine Waitress à petit feu. Elle boit de plus en plus. Ne mange plus. Se pète la face du matin au soir.

Un jour, il lui casse une dent. Puis un doigt. Lui lance ses bouteilles de bières. L'étrangle. Lui fracasse la tête contre un mur. Commotion cérébrale. Elle a toujours une explication plausible à fournir aux marques. Ça passe dans le beurre. Sauf le jour où elle se présente au travail avec un oeil de raton-laveur.

Il la contrôle de plus en plus. Lit ses courriels, son journal intime. La frappe pour ce qu'elle y raconte.

Elle a peur. N'arrive pas à appeler la police. Si elle se rend au téléphone, il la frappe avec. Si elle se penche à la fenêtre en appelant au secours, il lui tape plus fort dessus. Elle n'appelle plus à l'aide. Elle se terre dans son petit corps de plus en plus malade.

- J'vais te tuer, câlis de folle.

Elle marche doucement vers lui. Écarte les bras et sourie.

- Vas-y, j'vais cesser d'avoir mal, au moins.

Il est lâche.

Un soir, avec une amie. Une nuit de champignons, d'alcool et de cocaïne. Elle se dit que c'est finit. Qu'il part de chez elle. Que ce n'est pas normal. Que ce n'est pas ça l'amour. Elle tombe trois fois dans les pommes avant de rentrer chez elle, au levé du soleil, en tremblant.

Elle se met nue, il se réveille.

- Avec qui t'as couché, salope.
- Personne. J'étais avec Miss V.
- S't'encore pire, tu m'as trahit.

La dernière fois. Il est parti ensuite. J'ai réussit à le foutre à la porte. Puis, six semaines pour réaliser qu'il me battait. Six semaines pour comprendre que j'avais laissé tout ça m'arriver. Le cercle de la violence toujours plus rapide. Une volée par jour. Pour bien dormir.

Depuis, je rêve de carnage. De sang qui coule. Waitress cassée. Waitress au corps brisé. La rage du garçon a pénétré son coeur. Elle est là, toujours.


à pisser rouge comme une fontaine elle apprit à mesurer l'amour à la douleur du corps oubliait de compter les pulsions du coeur pour comprendre qu'il fallait ralentir le débit

17 commentaires:

caroline.g a dit…

Ouf.
...
...
...
.....

petite fraise a dit…

Je comprends maintenant ton besoin de carnage... Je ne sais pas quoi dire sinon que c'est une chance que tu aies réalisé tout ça en si peu de temps.

Whakya a dit…

Ce n'est pas ta faute, ça m'inquiète de lire que "tu as laissé tout ça arriver". La violence, ça peut frapper tout le monde, de la pauvre 2watts à la fille au doctorat. La violence conjugale est pernicieuse. Tu es une victime,LA victime. laisse de côté la culpabilité, elle ne t'appartient pas. Je ne saurais que trop te conseiller de consulter si tu sens le flot devenir trop fort.
Gros gros gros calin!

chewbacca a dit…

Chez Waitress,

Je mis suis pris par trois fois pour écrire ma réaction et je n'y arrive toujours pas...

J'ai eu mal en te lisant...

Johnny a dit…

Une histoire qui m'attriste beaucoup. Mais je suis content que tu as eu le courage de nous la conter. Et qui sait si ton courage n'encouragera peut-etre pas quelqu'un d'autre a se sortir d'un enfer semblable?

Jeune Homme a dit…

J'connaissais déjà l'histoire mais les larmes me sont quand même venues aux yeux de voir tout le courage que tu as prise pour l'écrire à la face du monde. On peut jamais effacer le passé, mais on peut toujours apprendre de ce qui nous est arrivé. Bon courage petite fleur :)

Pierrot Lapin a dit…

Dire que je me trouve nul des fois comme gars. Mais il y en a des pire que moi.

Mais je comprend pas pourquoi tu as resté si longtemps avec ce gars-là toi qui recherche toujours le mec parfait...

Pierrot Lapin a dit…

ah le gars s'était-tu p-y t ou un autre?

jai pas écris le mot au complet mais tu sais de qui je veux parler?

Waitress a dit…

Le mec, personne ici le connait. Cherchez pas non plus.

Merci pour vos bons mots. Ça m'a prit du temps à venir raconter cette histoire, j'ai essayé plusieurs et toujours finit par abandonner. J'aurais voulu en faire un texte bien ficelé, mais j'ai oublié cette idée. J'ai écrit avec mon coeur, avec l'idée de juste laisser aller.

Ça fait du bien de raconter. Merci de me lire :)

La femme au milieu des hommes a dit…

J'admire le courage que tu as eu de partager cette partie de ta vie. En te lisant, j'ai été parcouru de frissons. Partager ton expérience et cette douleur avec les autres, c'est déjà un pas de plus dans la bonne voie, vers quelque chose de plus heureux.

J'ai découvert ton blog il y a quelques semaines. J'ai tellement aimé ta personnalité que j'y reviens depuis ce temps.

Pierrot Lapin a dit…

je m'excuse de devier du sujet mais je savais pas ou mettre ceci. J'ai recu un mail de blog de bouffe pi je pensais que ca pourrait t'intéresser. Ca a l'air bien. Comme tu aime la bonne bouffe j'ai pensé à toi.

"Bonjour m Pierrot Lapin !!!

Si vous avez le goût de faire un blogue qui aident les gens de l'agroalimentaire de votre coin du monde bienvenu sur menutube.net. Notre "idéologie" est de mettre l'accent le plus possible sur les produits du terroir. Bref une petite recette, ou une bonne bouffe entre ami es sont toujours de bon ton.

Maurice Goulet 418-722-9207 http://menutube.net "

Waitress a dit…

Je crois pas être à la recherche de l'homme parfait, j'suis peut-être en train d'attendre de rencontrer quelqu'un avec qui vivre une belle histoire, quelqu'un que je choisirais vraiment, c'est tout. Et j'suis pas pressée alors........

Valérie-Ann a dit…

C'est dégueulasse de savoir que des hommes (et quelques femmes aussi, on se le cachera pas) ont si peu de matière grise qu'ils en viennent à taper sur les autres pour obtenir pouvoir, stabilité, sécurité. Ton histoire est tragique, cet homme est un salaud, et malheureusement, tu n'es pas la seule, il n'est pas le seul. Dans quel monde vivont nous... Heureusement tu as appris, certaines femmes doivent en fréquenter plusieurs des hommes comme ça avant de comprendre la leçon... Bonne chance. Chaque femme est de tout coeur avec toi.

amaliaa a dit…

Ton texte m'a énormément touchée et m'a tiré quelques larmes... parce que s'aurait tellement pu être moi, parce que j'ai tellement peur que ce soit un jour ma fille, parce qu'il y a des prédateurs qui passent leur vie à traquer et à appâter les jeunes filles idéalistes en mal d'amour pour mieux les détruire. Moi aussi j'ai des pensées de carnage à l'idée qu'il ne payera peut-être pas pour les blessures qu'il t'a faites, celles qui sont si longues à cicatriser, parce que la vie est comme ça. Tu as bien fait d'écrire ton histoire parce c'est en en parlant, en se choquant, en s'inventant des rituels expiatoires s'il le faut qu'on se réapproprie ces tranches de vie. En la dévoilant à ta manière, tu reprends un peu le contrôle, tu n'es plus que la victime (je te le souhaite).

Sur une tout autre note, cette histoire que tu as racontée avec ton coeur, sans souci des règles de l'écriture, hé bien c'est justement son style qui la rend si poignante. Un minimum de mot pour un maximum d'émotions. Rien d'inutile, que des images fortes. Tu vois, rien que d'en parler peut faire tourner la roue; d'une histoire tragique, tu as tiré un texte magnifique.

Désolée pour le roman, comme je le disais au début, cette histoire m'a beaucoup touchée, autant sur le plan émotif que littéraire. Prends soin de toi.

SpIcEz a dit…

Waitress...

Je... il y a jamais les bon mots a dire. Mais bravo.

J'ai essayé pour un ans de jouer le sauveur pour une personne dans le même bateau. J'ai du malheureusement abandonné pour préserver ma santé. Mon coeur étais impliqué et ca me tuais.

Ceci ma rappelé les horreurs qu'elle subissais et peut être même encore.

Il ne faut jamais oublier, mais il faut laisser sortir le méchant.

My heart goes out to you... and her...

Une Corneillle a dit…

Ces mots dessinant la douleur, ces phrases criant la détresse... Ton histoire est une bouée lancée à toute personne qui te lit.

Je n'ai pas d'admiration pour toi. Ni de pitié, ni de tendresse. Je ne crois pas qu'il soit possible de mettre un mot sur ce que je perçois de ton texte.

Je te lis depuis peu et je devine une fille extrêmement complexe et sensible sous ta plume; ce post n'est qu'une confirmation. Je ne te félicite pas, je crois que tu as atteint ta paix. Du moins, je te le souhaite.

Cyndie a dit…

Je ne sais que dire...
Tu mérites tellement de trouver le bonheur, waitress. Personne ne mérite de vivre ce que tu as vécu. C'est trop injuste...
Gros gros gros câlin ma belle...
J'espère seulement qu'écrire t'as fait un peu de bien, même si ca n'efface pas toute la douleur que tu as pu endurer...