jeudi 30 août 2007

Les trains qui passent

Lundi, le week-end de Waitress s’amorce. Je me pointe au bar, où Française m’attend, deux gins sur la petite table de la terrasse. Nous sommes au milieu du cinq-à-sept de la restauration. Outre Française, deux autres cuisiniers sont là, de même que le serveur responsable d’un nouveau resto du Carré d’Youville. Un propriétaire de bar boit à la table derrière nous, tout le monde qui jase, tout le monde qui niaise et c’est parti. La danse des verres vides des verres pleins.

M. Magazine arrive, avec quelques amis. Bonjour discret de la tête. Profitant d’un aller-retour à l’intérieur de ma copine, il vient s’assoir à ma table. Il porte un affreux chandail beige-gris. À col roulé. Son sourire et ses yeux pétillants compensent presque son manque de goût.


- Ta patronne t’a dit que j’ai téléphoné ?
- Si.
- Deux fois ?
- Si.
- Pourquoi tu n’as pas rappelé ?


Waitress qui patine. On m’a dit qu’il avait une copine. Ce qui m’a convaincu de ne pas retourner le premier appel. Ensuite, je ne retourne jamais d’appel.


- Pourquoi ?
- Je suis une personne timide.
- As-tu idée du nombre de possibilité que tu as manqué par pudeur ?


Waitress cassée. Je réfléchie aux occasions ratées parce que je n’ai pas osé. Toutes ces fois où une invitation et un numéro m’attendaient sur le répondeur. Ces hommes qui laissent un puis deux messages et qui ne donnent plus de nouvelles. Normal. Mon silence interprété comme un refus. Oui, combien de perches tendues ?


Waitress en pleine angoisse devant M. Magazine. Je tente un subtil changement de sujet, mais j’ai la tête ailleurs. Je pense aux vies possibles que j’ai évitées. À cette boîte sous mon lit, remplie de numéros de téléphone que je n’ai jamais composés. Pourquoi ?


Par peur. Du ridicule, comme du bonheur. Une ligne qui s’étend sur chaque moment de mon quotidien; Waitress et la crainte de la nourriture, Waitress aux instincts réprimés, aux désirs refoulés. Waitress et la peur de vivre.


L’incertitude qui me donne des boutons, les prises de décisions qui m’empêchent de dormir. Cette incapacité à formuler des « Je rêve de », « J’aimerais bien ». Les projets avortés par la simple pensé que c’est impossible, que je ne peux pas me permettre un tel truc.


Il me semble que je n’ai rien fait de l’été. Ni du reste de l’année. Pourquoi ? Combien de vies possibles j’ai regardé passé ?


Faudrait cesser de regarder les trains passer, en choisir un, par raison ou par hasard, mais tenter quelque chose. Oser, choisir d’être moi, une femme qui mord dans la vie, en mode action. En finir avec cette habitude à me laisser flotter au vent, sans m’accrocher à rien jamais. Vivre, tomber, me péter la gueule, mais foutre quelque chose avec la certitude d’exister.


M. Magazine qui parle devant moi. Et la Waitress qui n’écoute plus rien. Qui se dit par contre qu’elle ne prendra pas ce train là. Il s’avère que le garçon pu du bec.

8 commentaires:

caroline.g a dit…

Quant à prendre un train, aussi bien qu'il ne pue pas d'la yeule, hein... Héhéhé

Sur une note plus sérieuse: ne crains pas de vivre trop fort, ne crais pas de te péter la baboune. C'est sûr que ça augmente significativement le risque de souffrances, mais... ne souffres-tu pas déjà ? En vivant plus intensément, en t'accrochant plus souvent, ça va au moins te faire plus de trucs succulents à nous raconter ici ! ;o)

Whakya a dit…

En effet, la vie n'attend pas, mais il n'est jamais trop tard pour la rattrapper!
Suis ce qui te fais te sentir bien (vraiment bien, pas les illusions du bien être...) tu ne peux pas te tromper!
xox

Wonder Mekamek a dit…

T'en fais pas : j'ai aussi le sentiment de n'avoir rien fait de mon été. Parait qu'y'a plein de trucs épatants à faire l'automne. Jamais trop tard pour bien faire ;)

Anonyme a dit…

«Faudrait cesser de regarder les trains passer, en choisir un, par raison ou par hasard, mais tenter quelque chose.»

J'adore..!

Waitress a dit…

Merci pour les bons mots :)

Valérie-Ann a dit…

Que dire de plus, sinon ceci: se péter la gueule, c'est pas agréable, je te le concède, mais à ne rien essayer, tu risques le pire scénario que je puisse imaginer: être alongée sur ton lit de mort, dans plusieurs dizaines d'années, à te dire "merde. J'ai vraiment rien foutu de ma vie finallement...". Moi, c'est ça, bien plus que de me péter la gueule, qui me fait peur. Peut-être que Mr. Magazine pu du bec, mais s'il a eu le mérite de te faire réfléchir, il ne sera pas passé pour rien sur ta route! ;)

Pierrot Lapin a dit…

Chou! Chou! Bading! Badang! bang! (bruit de train qui déraille avec de la boucane et du pouelle de lapin partout). "ayoye".

Waitress a dit…

Mdr !!!!!!!!