jeudi 9 août 2007

Des garçons

Lundi, 2h47 du matin. Sur la terrasse du bar, en compagnie de ma copine et collègue de travail Française. Chaque dimanche, après la soirée au resto, nous nous retrouvons là, sur une chaise de plastique de la Basse-Ville. C’est la soirée morons. Comme si tout les mottés solitaires de la ville s’y donnent aussi rendez-vous. On se bidonne ensemble, devant ces hommes trop gelés trop saouls qui défilent devant nous, gin tonic en main.

Cette semaine par contre, peu de mottés sur la terrasse. Comme s’ils se reposaient en vu du spectacle de Slayer. À notre table, M. Magazine. Aussi d’origine française, c’est un garçon bien gentil, bien charmant, bien cultivé qui aime les restaurants. Nous lui parlons du nôtre, sur l’Île, avec l’idée de le convaincre de passer nous voir. Ni une ni l’autre ne voulons toucher du chômage cet hiver. Il faut qu’il écrive un article sur notre établissement.

La conversation est agréable, elle passe des restaurants aux voyages, à notre célibat. Musique. Les gins se succèdent à une vitesse folle.

- J’en bois un dernier, ensuite je file. J’ai une date demain matin.

Apparaît alors un autre gin devant moi, avec une vodka canneberge. Encore et encore et encore. 2h47. Last call. Waitress complètement bourrée. Française aussi.

Nous quittons le bar, chacun dans notre direction. M. Magazine prend le même chemin que moi. Il profite de la marche pour poser des questions plus approfondies sur mon célibat.

- Bien ça fait un peu plus d’un an que je suis seule.
- Comment ça ?
- J’ai fait très peu de rencontre intéressante au cours de la dernière année. Une seule en fait. Je ne cherche pas à être en couple, je n’ai besoin de personne pour être heureuse. Ça arrivera quand ça arrivera, c’est tout.
- Tu viens faire un tour chez moi ?
- Pas longtemps.

Dans une rue inconnue, je monte des marches qui mènent je ne sais où. À l’intérieur, c’est immense. M. Magazine habite un loft du centre-ville. Plafonds hauts, mur du salon entièrement fenêtré, îlot de cuisine. La conversation se poursuit, sur tout et rien.

- Tu m’excuseras, j’suis saoule.
- T’inquiètes, moi aussi.

Assise sur un tabouret de cuisine, j’avale un verre d’eau à grandes gorgées. Une lampe est allumée, déposée sur le plancher. Elle crée de superbes jeux d’ombres sur les murs. Le reste de l’éclairage provient des lumières de la ville. Ambiance feutrée. M. Magazine se trouve agenouillé à mes côtés, un bras accroché à mes jambes. Il se lève d’un coup, prend mon visage entre ses mains, m’embrasse.

Ses lèvres chaudes sur les miennes. Du confort bien apaisant, de l’affection rose bonbon. Sa langue qui frôle la mienne, ses doigts dans mon cou.

- Il faut que je parte.
- T’as qu’à la canceller, ta date.
- Non. Je m’en vais.

Dehors, le ciel pâlit à l’est. Merde. Je suis complètement bourrée. Je marche un instant avant de constater que j’ignore où je me trouve. Mes pieds avancent au hasard, jusqu’à ce que je me repère grâce à l’épicerie Rochon.

J’entre dans mon appartement à 5h00 du matin. Il faut que je mange. Je me concocte un sandwich, question de ralentir la digestion de l’alcool et me sentir mieux au levé. Je finis par tombée endormie sur le sofa.


*


J’ouvre les yeux trente minutes avant mon rendez-vous avec Joli Minois. En panique, puisque mon appartement ressemble au Cambodge. Avec l’impression d’être toujours en ivresse. Je courre partout, lave la vaisselle qui n’est constitué que de tasses à café, de verres et de quelques ustensiles. Passe un balai rapide, lance du linge dans ma chambre, dont je prends soin de fermer la porte. Je prépare ma cafetière, mets le rond du poêle en marche. J’enfile un capri noir, une camisole noire et blanche à pois et à motifs étranges. Elle donne l’impression que j’ai un peu de seins. Alors que j’allais entreprendre mon maquillage, on cogne à la porte. Merde, merde, j’ai l’air de rien encore.

Je fais entrer Joli Minois. Dehors, il pleut à grosses gouttes. Il fait sombre partout. Un album de Feist joue en arrière plan. Dans ses mains, un grand sac en papier remplit de croissants et de muffins frais. Il me sourie, je lui sourie. Qu’est-ce qu’il est beau. Il porte une chemise noire avec un pantalon pâle, presque blanc.

Le café est prêt, je lui en offre un. Il s’assoit sur les marches de la cuisine. Waitress à sa droite. On s’allume une clope, moment calme. On rit, on parle, on s’empiffre de croissants. J’aime le regarder raconter des histoires. Son visage et ses mains sont expressifs, c’est une chose que j’adore chez les gens. Les heures passent à une vitesse folle, à un moment mon lecteur CD s’est arrêté, au bout de toute la musique qu’il y avait dedans, mais je ne m’en suis pas aperçue. J’ai vu l’heure sur la cuisinière.

- Je vais devoir commencer à me préparer pour le travail.
- Déjà ! Je vais y aller.

Il remet ses souliers. Sur le bord de la porte, je ne sais que faire. J’ai envie de l’embrasser. Je dépose deux baisers sur ses joues, ses bras se serrent sur mon corps. Je reste là un instant, les yeux fermés, le nez collé sur ses vêtements à respirer son odeur.
*


C’est la tête dans le cul que je me suis pointée au travail. Mais avec un grand sourire sur les lèvres qui ne m’a pas quitté depuis.

5 commentaires:

Jiji a dit…

Souris, souris, c'est merveilleux tes histoires!

On a side note, ce qui me surprend, c'est que t'es capable de faire rapidement du ménage en grosse situation de stress... Tu me donnes tes super-pouvoirs??

Waitress a dit…

Le truc, c'est de vraiment ranger tout ce qui restera à la vue de l'inviter. Pour le reste, tu choisies une pièce dont tu peux fermer la porte et tu y lances tout ce que t'as pas le temps de placer. Passe ensuite un balais rapide, passe une guénille dans le lavabo de la salle de bain et voilà ! 25 minutes plus tard, t'as l'air d'une personne à l'ordre !

Cyndie a dit…

Mouhahaha "T'as l'air d'une personne à l'ordre" !!!
:)
Tu me fais sourire et surtout, rêver!

Waitress a dit…

Merci Cyndie, c'est le but du blog :)

chewbacca a dit…

Héhéhéhéhé
Le truc de la pièce fermée.
Classique!! :D:D