lundi 13 août 2007

La noce

Mes yeux s’ouvrent sur un matin ensoleillé. Mon bras s’étire vers la droite et rencontre le vide plutôt que la chaleur de sa peau. Il est parti. Pas de déception dans le constat. Un petit sourire sur mes lèvres. Waitress au bout d’une nuit de caresses, d’heures tactiles remplies de rires et de gémissements, le corps crispé, le corps tendu par le désir qu’on choisit de ne pas assouvir. Plus tard. Rien ne presse.

Je tente de replonger dans le sommeil. Mes yeux s’ouvrent à nouveau, vers la porte. Il est là. Joli Minois qui s’approche, qui m’entoure de ses bras. J’offre un café qu’il refuse; il est déjà en retard. Il doit préparer des trucs pour le mariage de sa sœur qui a lieu en fin d’après-midi. À mon restaurant. On se revoit tantôt.


*


Je quitte l’appartement pour me rendre au travail presqu’en retard. J’ai voulu m’arranger pour être jolie, m’apporter des vêtements chics mais sexy pour l’après-shiff. Résultat ? J’ai l’air de la même chose qu’à l’ordinaire. Je me maquille de façon identique depuis la dernière année et ma technique de coiffage consiste toujours à avoir une tête le plus ébouriffée possible. La chevelure par en bas, j’envoie un peu de spray net , et voilà je suis prête à sortir.

J’embarque un collègue de travail qui m’attend à la quincaillerie sur St-Valier. Il dépose deux dollars dans le pot à covoiturage et baisse le volume de la radio. Il n’apprécie pas particulièrement le dernier album des Yeah Yeah Yeahs.

- Pas trop nerveuse ?
- Moi ? Non.
- T’es consciente que tu vas rencontrer toute sa famille aujourd’hui…
- …
- Ce sera pas le temps de faire de gaucherie, Waitress…
- Ta boîte, Balou, ta boîte…

Arrivés au restaurant, on se fait couler deux allongés que nous accompagnons d’une cigarette. Dix minutes avant de puncher. Je fais le lézard sur la terrasse, profitant du soleil et du vent. Et je l’aperçois au loin. Joli Minois installe le système de son pour la cérémonie, qui a lieu un peu plus loin sur le terrain, en dessous d’un saule. P’tit cœur s’accélère, mains moites.

Je commence à astiquer les coupes à champagne. Deux mariages ont lieu chez nous, ce qui représente 130 verres à frotter. J’en ai donc pour un certain temps à rester coincée derrière le bar. Mes collègues profitent de mon emprisonnement temporaire pour venir m’agacer au sujet de Joli Minois.

Patronne : J’ose pas te mettre tout le long du côté de JM, j’ai peur que tu casses trop de vaisselle.
Patron : Ça doit faire drôle de travailler au mariage de sa future belle sœur, hein ?
Pâtissière : J’trouve que tu souries trop aujourd’hui, Waitress, arrêtes ça.
Balou : Tu te rends compte que si tu l’aurais rencontré plus tôt, tu serais en belle robe avec lui au lieu d’être avec nous ?

Bref, tout le monde passe un petit commentaire. Je deviens de plus en plus nerveuse, je ris tout le temps comme une poule pas de tête, je tourne en rond, mains moites, p’tit cœur qui bat vite, vite, un rouge permanent sur les joues.

JM se pointe au bar, très élégant dans son complet cravate. Grand sourire, yeux doux, il s’installe devant moi pour me parler. Pleins d’oreilles indiscrètes tournent autour de nous, je reçois parfois des coups de coudes, timidité, timidité.

Les voitures commencent à arriver, c’est l’heure d’aller enfiler mon merveilleux costume de mariage. Un chemisier blanc, un corset bleu qui m’empêche de respirer et d’avoir faim et une longue jupe bleue. L’effet est assez spectaculaire; le chemisier étant trop grand et le corset très serré, mes hanches deviennent le point central de mon corps. Je ressemble à une femme prête à fonder une famille de quinze enfants. La honte.

La cérémonie du mariage de Collègue terminée, je sors à l’extérieur pour distribuer les flûtes à champagne. J’entends des « C’est elle, c’est elle » un peu partout sur mon passage. Tout le monde est au courant. Collègue, toute belle dans sa robe blanche, me prend à part pour me dire à quel point elle est heureuse de la situation. Elle me présente alors à sa mère.

- C’est donc chez toi que JM a passé la nuit ?
- Euh…
- Waitress, voici le père de mon chum.
- Ah, JM et toi, vous allez faire des beaux enfants, ça c’est sûr.
- ...
- Tu viens avec nous pour fêter ce soir ? On a loué des chambres, tu dormiras avec JM on t’a gardé une place.
- …

Et ainsi toute la soirée. Waitress bien embarrassée. Waitress bien nerveuse. Mais je trouve le tout plutôt cocasse.


*

Le ménage terminé, tous les serveurs punchent out. Nous enlevons nos costumes, on mange une assiette et nous allons rejoindre Collègue qui nous offre un verre. On jase avec ses amis, on dit des niaiseries, finalement on se prend un deuxième verre. JM reste loin de moi, ne me regarde pas trop, je me demande si je n’ai pas fait une niaiserie. Collègue vient s’assoir sur moi, me fait une grosse colle. Elle me demande si je reste avec eux pour continuer la fête une fois qu’ils auront quitté le restaurant.

- Non, je travaille à 9h00 demain.
- Dommage.
- Oui, je sais…

JM se pointe enfin. Il s’assoit à ma gauche. Me dit que son accompagnatrice vient de partir. Sa main glisse dans mon cou. Me raconte qu'Accompagnatrice entretenait certains espoirs sur cette soirée.

- Je lui ai dit : « Tu vois la fille là-bas ?» bien, je l’ai rencontré dernièrement et elle m’intéresse.
- T’as dit ça ?
- Oui.

Autour de nous, sur la galerie, plus personne. Il s’approche. Me demande s’il peut m’embrasser. Nos lèvres se joignent, on s’enlace. Du bruit derrière nous. C’est la mariée qui me lance une fleur avant de refermer la fenêtre.

4 commentaires:

Jiji a dit…

... :D

Waitress a dit…

:D
Mets-en !!!!!
J'vire folle, Jiji... !!!!

Whakya a dit…

Ah!! Tellement cute!!!
Ça devait être assez weird comme situation, avec tous ces gens qui vous regardent...
Je me précipite de ce pas lire tes 2 autes billets!
:)

Waitress a dit…

Oui, c'était étrange... Mais tellement grisant en même temps !