lundi 26 novembre 2007

Al Bee

Il arrive un moment où le sommeil solitaire devient lourd pour les éternels célibataires. Plus qu'une histoire de lit trop grand, trop vide, trop froid, c'est la chair qui appelle à un peu d'amour. Enfant, on nous serre toujours contre de grands corps, des lèvres humides dans le cou, des mains qui nous chattouillent et ébouriffent les cheveux. Puis on nous dit que nous sommes vieux pour se faire cajoler, bercer. Sevrage d'affection.

La Waitress vit un important épisode d'insomnie. J'ai beau lire, prendre un bain, boire du lait chaud, je me résigne à regarder passer les heures de la nuit. Lorsque je me retrouve à dormir avec quelqu'un par contre, je trouve le sommeil en quelques minutes. Comme si la chaleur du corps qui m'enveloppe me rassure, me comble et vient détendre cette tête qui pense sans arrêt.

J'en ai discuté avec Al Bee, l'été dernier. Lui aussi connaît le même trouble. M'a confié qu'il laisse souvent la télévision allumée, pour se faire croire qu'il n'est pas seul dans son appartement. Moi aussi. Je me laisse une lumière en permanence au salon. Pour me laisser croire qu'une personne m'attend le soir, au retour à la maison.

Un accord entre nous. Lorsque la solitude devient intolérable, qu'elle creuse nos yeux et prive du repos, un coup de fil. Viens-tu dormir avec moi ?

Au bar, plusieurs pensent que nous sommes un couple. Parce que nous quittons l'endroit enlacés, en souriant. Contents de savoir que la nuit sera douce, calme et chaude. Qu'au matin, on pourra partager un café et une cigarette et prolongé la suspension du temps.

Parfois, on s'embrasse, on se caresse. Rien de plus. Ce qu'on aime, c'est dormir en cuillère ensemble, peau contre peau. Sorte de relation platonique qui comble les besoins affectifs sans faire de mal à personne.

Samedi, nous étions invités à bruncher chez un ami commun. Alors que nous fumions une cigarette sur le balcon, en grelottant, un peu saoul après avoir bu deux bouteilles de champagne et une bouteille de vin avant d'avaler quoi que ce soit de solide.

- Waitress, je me demandais pourquoi je suis pas amoureux de toi, cette semaine.
- Je sais pas. Moi non plus, j'arrive pas à tomber amoureuse de toi. Pourtant on est bien ensemble.
- Oui.

On s'est serré fort dans nos bras. On s'est embrassé un peu. Éclat de rire avant de rejoindre les autres. On se sent stupide.

Al Bee. C'est plein de tendresse que j'ai pour lui. On ne se demande jamais rien. On passe le temps côte à côte. Pour se libérer des souffrances avant qu'elles ne nous étouffent, pour apprendre à regarder la lune, la nuit, et la trouver seulement belle dans sa rondeur.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai un ami comme ça moi aussi, on dit qu'on s'aime trop pour être amoureux! C'est précieux une relation comme ça.

Waitress a dit…

Oui, c'est précieux ce genre de relation. Par contre, c'est éphémère. On sait tous que si l'un des deux rencontre quelqu'un, l'autre devra retourner au sommeil solitaire.

Monsieur l'adulte a dit…

Wow. C'est précieux ce type d'amitié, surtout avec quelqu'un du sexe opposé. Être capable de partager autant d'intimité sans ambiguité demande beaucoup de confiance en soi et dans l'autre...

Waitress a dit…

Il faut pouvoir être clair au départ, je crois. Il n'y a pas place à l'ambiguité, ou bien au doute. Si l'un des deux venait à éprouver un sentiment amoureux, cette relation cèsserait immédiatement. Demande beaucoup d'honneteté pour que ça existe sans faire mal à personne.

MÉLAMINE a dit…

Une cuillère sans conséquence, sans attente, sans ambiguiét : un luxe que peu de célibataires peuvent se permettre.
Hum... Y'a bien des soirs où je voudrais un « Al Bee » moi aussi...

gaétan a dit…

Je me trompe où c'est le fantasme de beaucoup de femmes célibataires que d'avoir un copain à amener dans son lit uniquement pour sa présence, pour sa chaleur ?
Après la femme-objet voici l'homme-nounours. Si c'est précieux comme vous dites c'est parce que ça doit être rare qu'un homme accepte de partager le lit d'une amie-femme uniquement pour sa présence sans envie aucune de l'autre.
C'est probablement là que réside la grande différence entre les hommes et les femmes parce que moi retomber célibataire il ne me viendrait jamais à l'idée de demander à une amie de venir coucher dans mon lit juste parce que je trouve le lit trop grand ce soir là.

Maphto a dit…

super ton blogue en passant.

Waitress a dit…

Gaetan: Je ne crois pas que ton "homme-nounours" soit dans la ligné de la femme-objet. J'ai une réelle complicité avec cet ami, nous ne sommes ni amoureux, nous n'entretenons aucun désir `pour l'autre, mais dormir ensemble, ça nous fait du bien. Pas une question de lit trop grand, seulement, on a besoin d'affection dans la vie, et ça ne se comble pas seulement par le sexe.